Chapitre 4 Filtres dépendant des données : trilemme ATS
ATS-trilemma - Wildi et McElroy (2019)
Approche fondée sur l’optimisation d’une somme pondérée de critères :
Les valeurs des différents critères peuvent être comparées et les poids associés peuvent être interprétés (contrairement à la méthode FST).
Méthode généralisable aux cas multivariés.
Les filtres dépendent des données, de la date d’estimation et du filtre symétrique utilisé.
Il peut y avoir des problèmes d’optimisation (plusieurs minimums, etc.).
: package MDFA https://github.com/wiaidp/MDFA ou rjd3filters::dfa_filter()
(version simplifiée).
Wildi et McElroy (2019) proposent une approche dépendante des données (data-dependent) pour calculer des filtres linéaires. L’idée est la même que pour le filtre FST : les moyennes mobiles sont calculées par minimisation d’une somme pondérée de critères de qualité, mais les critères sont calculés différemment. Les auteurs décomposent l’erreur quadratique moyenne de révision en un trilemme de trois quantités appelées accuracy (précision), timeliness (rapidité) et smoothness (lissage), d’où son nom ATS-trilemma.
Soient :
\(\left\{ y_{t}\right\}\) notre série temporelle en entrée23.
\(\left\{TC_{t}\right\}\) la série lissée finale (avec un filtre symétrique fini ou non), et soient respectivement \(\Gamma_s\), \(\rho_s\) et \(\varphi_s\) les fonctions de transfert, de gain et de déphasage associées à ce filtre symétrique.
\(\left\{\widehat{TC}_{t}\right\}\) une estimation de \(\left\{TC_{t}\right\}\), i.e. le résultat d’un filtre asymétrique (lorsque toutes les observations ne sont pas disponibles), et soient respectivement \(\Gamma_{\boldsymbol\theta}\), \(\rho_{\boldsymbol\theta}\) et \(\varphi_{\boldsymbol\theta}\) les fonctions de transfert, de gain et de déphasage associées à ce filtre asymétrique.
Une approche directe24, Direct Filter Approach (DFA), consiste à approcher directement la tendance-cycle finale par minimisation de l’erreur quadratique moyenne : \[ \underset{\widehat{TC}_{t}}{\min} \E{(TC_{t}-\widehat{TC}_{t})^{2}}. \] Cette approche peut être approfondie en décomposant l’erreur quadratique moyenne en plusieurs éléments d’intérêt.
Si l’on suppose que la série \(\left\{ y_{t}\right\}\) est faiblement stationnaire25 avec une densité spectrale continue \(h\), l’erreur quadratique moyenne de révision, \(\E{(TC_{t}-\widehat{TC}_{t})^{2}}\), peut s’écrire dans le domaine spectral comme : \[\begin{align} \E{(TC_{t}-\widehat{TC}_{t})^{2}}&=\frac{1}{2\pi}\int_{-\pi}^{\pi}\left|\Gamma_s(\omega)-{\Gamma_{\boldsymbol\theta}}(\omega)\right|^{2}h(\omega)\ud\omega\nonumber\\ & =\frac{1}{2\pi}\times2\times\int_{0}^{\pi}\left|\Gamma_s(\omega)-{\Gamma_{\boldsymbol\theta}}(\omega)\right|^{2}h(\omega)\ud\omega. \tag{13} \end{align}\] On a : \[\begin{align} \left|\Gamma_s(\omega)-\Gamma_{\boldsymbol\theta}(\omega)\right|^{2} & =\rho_s(\omega)^{2}+\rho_{\boldsymbol\theta}(\omega)^{2}+2\rho_s(\omega)\rho_{\boldsymbol\theta}(\omega)\left(1-\cos(\varphi_s(\omega)-\varphi_{\boldsymbol\theta}(\omega)\right) \nonumber\\ & =\left(\rho_s(\omega)-\rho_{\boldsymbol\theta}(\omega)\right)^{2}+4\rho_s(\omega)\rho_{\boldsymbol\theta}(\omega)\sin^{2}\left(\frac{\varphi_s(\omega)-\varphi_{\boldsymbol\theta}(\omega)}{2}\right). \tag{14} \end{align}\]
L’intervalle \([0,\pi]\) peut être coupé en deux : une partie dite pass-band \([0,\omega_1]\) (l’intervalle de fréquences associé à la tendance-cycle) et une partie dite stop-band \([\omega_1,\pi]\) (l’intervalle de fréquences associé aux résidus).
Dans rjd3filters
le paramètre \(\omega_1\) est fixé par l’utilisateur26 et est par défaut égal à \(2\pi/12\) : pour des séries mensuelles, cela signifie que l’on souhaite conserver les cycles d’au moins 12 mois (voir section 1.1).
L’erreur de l’équation (13) peut être décomposée en 4 quantités : \[\begin{align*} Accuracy =A_w(\boldsymbol\theta)&= 2\int_0^{\omega_1}\left(\rho_s(\omega)-\rho_{\boldsymbol\theta}(\omega)\right)^{2}h(\omega)\ud\omega,\\ Timeliness =T_w(\boldsymbol\theta)&= 8\int_0^{\omega_1}\rho_s(\omega)\rho_{\boldsymbol\theta}(\omega)\sin^{2}\left(\frac{\varphi_{\boldsymbol\theta}(\omega)}{2}\right)h(\omega)\ud\omega,\\ Smoothness =S_w(\boldsymbol\theta)&= 2\int_{\omega_1}^\pi\left(\rho_s(\omega)-\rho_{\boldsymbol\theta}(\omega)\right)^{2}h(\omega)\ud\omega,\\ Residual =R_w(\boldsymbol\theta)&= 8\int_{\omega_1}^\pi\rho_s(\omega)\rho_{\boldsymbol\theta}(\omega)\sin^{2}\left(\frac{\varphi_{\boldsymbol\theta}(\omega)}{2}\right)h(\omega)\ud\omega.\\ \end{align*}\]
En général, le résidu \(R_w\) est petit puisque \(\rho_s(\omega)\rho_{\boldsymbol\theta}(\omega)\) est proche de 0 dans l’intervalle stop-band27. Il est de plus rare que les utilisateurs s’intéressent aux propriétés de déphasage dans les fréquences stop-band. C’est pourquoi, pour la construction de filtres linéaires les auteurs suggèrent de faire une minimisation d’une somme pondérée des trois premiers critères : \[ \mathcal{M}(\vartheta_{1},\vartheta_{2})=\vartheta_{1}T_w(\boldsymbol\theta)+\vartheta_{2}S_w(\boldsymbol\theta)+(1-\vartheta_{1}-\vartheta_{2})A_w(\boldsymbol\theta). \] Comme le montrent McElroy et Wildi (2020), cette méthode peut également être étendue au cas multivarié, ce qui permet de prendre en compte les corrélations entre les composantes de différentes séries.
Un des inconvénients de cette méthode est qu’il n’y a pas de garantie d’unicité de la solution. En revanche, son avantage par rapport à la méthode FST (section 3) est que la décomposition de l’erreur quadratique moyenne permet de normaliser les différents indicateurs, et les coefficients \(\vartheta_{1}\), \(\vartheta_{2}\) et \(1-\vartheta_{1}-\vartheta_{2}\) peuvent être comparés entre eux.
Cette méthode étant totalement dépendante des données, son intégration dans des algorithmes non-paramétriques tels que X-11 serait compliquée.
C’est pourquoi elle n’est pour l’instant pas comparée aux autres.
Pour avoir des critères qui ne dépendent pas des données, une idée serait de fixer la densité spectrale, par exemple à celle d’un bruit blanc (\(h_{WN}(x)=1\)) ou d’une marche aléatoire (\(h_{RW}(x)=\frac{1}{2(1-\cos(x))}\)).
C’est ce qui est implémenté dans la fonction rjd3filters::dfa_filter()
.
Références
Par rapport à l’article originel, les notations ont été modifiées afin de garder une cohérence entre les différentes sections.↩︎
Par opposition aux approches indirectes par exemple utilisées dans X-13-ARIMA où le signal cible est approché en faisant une prévision sur la série initiale.↩︎
Les formules qui suivent peuvent également se généraliser aux processus intégrés non-stationnaires, par exemple en imposant une cointégration entre \(TC_t\) et \(\widehat{TC}_{t}\) et en utilisant le pseudo-spectre, voir Wildi et McElroy (2013).↩︎
Dans l’article originel, l’intervalle pass-band dépend de la fonction de gain du filtre symétrique (pass-band\(=\{\omega |\rho_s(\omega)\geq 0,5\}\)) : cela correspond donc à l’intervalle contenant les fréquences conservées sans trop de distorsion par le filtre symétrique. Dans le cas du filtre symétrique d’Henderson de 13 termes, cela correspond à l’intervalle \([0, 2\pi/8]\), c’est-à-dire aux cycles de plus de 8 mois.↩︎
En pratique ce n’est pas toujours le cas comme montré dans la section 2.1.2.↩︎